mercredi 9 avril 2025

Encore [58]

 



560. Diversion. Un mot encore, sans relation avec la pièce qui se joue depuis près d’une heure, la relation viendra par des voies-sorcières* (ou tortueuses, retorses, toutes d’impossibles torsions), de sources à proximité ; un mot, survient du néant, impossiblement, qu’un prononce des profondeurs d’un couloir, on se figure : coulisses mais non, c’est ici lieu tout autre, sans relation avec la scène et la pièce, ce mot peut-il être rapporté, n’est-ce pas l’obligation même ? Trop tard pour ne pas le dire, ayant été évoqué (situation d’attente), et bien non rien n’oblige, ce mot se prononce ou plutôt vient d’être prononcé, peut-être des bandes auront tourné retrouvées de l’âge du muet et cassantes (extrême altération), vierges dont l’usage vient, sans possible inscription du sonore sur les bandes, les seules images, seules les images d’une projection qui est ici tout le rêve, ce serait : plan d’une bouche vue se mouvoir, rien cependant du mot ne parvient sauf à lire sur les lèvres ou alors même à lire sur les lèvres, l’un ou l’autre, le possible ou l’impossible, que quelqu’un ici décide, 


561. Il arrive que des fragments soient sans note — inadvertance, oubli, etc. —, c’est ici la note, tardive, s’il n’est pas trop tard, raccordée au fragment qui précède, jamais trop tard, mieux vaut tard que jamais (le double adage épuisé) à moins qu’il ne dépende*, mais la pièce, il s’y passerait actuellement telle chose exigeant que l’on s’y tourne, descente des gradins, trébucher à deux reprises sur des objets dans l’allée, un strapontin de bois vacant, prendre place, et c’est la scène : existerait-elle s’il ne s’y posait pas un regard (question d’envergure, un classique*, excédant la scène, le regard ferait exister est-ce à dire advenir, d’une projection de l’intériorité, Là une note, pas de note mais une note, il se dit : « une note » et il y a note, survient, cela va encore trop vite pour qu’en soit déclaré l’objet ou alors : quelque objet que ce soit devenant l’objet, poutre, poutrelle, distincte des gradins, ce qui y est suspendu, lanterne, éclairant un coin de scène, le cercueil s’il y est encore, si l’ère des cercueils n’est pas révolue, d’étendue qu’elle aura été sans qu’il ne se sache pourquoi, 


562. Que ce soit l’absence de toute écriture ou alors d’infimes tracés pour en tenir lieu, indications quant à la pièce qui se joue ailleurs, que celui-ci* s’avance, que les trois autres reculent pour l’effet d’importance, le premier parle avec voix distincte : « Que diriez-vous que nous quittions l’endroit, expédition dans le désert, la scène même, et effort de traversée de nuit, Note : Sans relation, non, rien et rien ne vient comme ce qui vient ou alors heure à la somnolence où qu’on se tourne à même la scène, phrase inerte, de lance qu’elle était naguère (somnolance, éternité d’inertie), un bruit de grelots — qu’il fallait — peut-être réveille-t-il, 


563. Une phrase de la nuit est oubliée, du sommeil, tout du sommeil l’est, qu’il y aura eu sept rêves se succédant, reliés par nul-ne-sait-quoi, s’il est un dieu, celui-ci doit garder l’ensemble des rêves de l’humanité, de l’animalité, de la végétation, de tout minéral, Note : Et on sait à présent, à cette époque d’Encore, qu’une relation de la note avec ce qui précède n’a plus la moindre espèce d’importance, qu’une phrase peut être élancée provenant de l’intériorité profonde ou lointaine, d’abîmes s’entend et de leurs lueurs fussent-elles épuisées ; une phrase, juste* si ce n’est un mot seul depuis la phrase chercheuse, interceptant à l’occasion ce qui traverse en l’air de la pièce et qui saurait en tenir lieu, ce mot devenant alors le thème de la note or voici qu’il y a extinction d’elle, en manière d’effondrement à tout jamais, 


564. Qu’un souffle à qui écrit la première des phrases du fragment, ce qu’il fait or qui est-il, est-il seulement de la troupe, l’un des quatre* ? Il s’approche, et on comprend qu’il veut parler, qu’il a plus d’une phrase dans sa sacoche, que de telles phrases auront été réfléchies des années peut-être, voici qu’il les disperse au-devant de lui, audibles ou inaudibles — selon, audibles s’il y a lieu —, c’est ainsi le désert, et désert de rocailles oubliées, Note : Et cette fois rien ne vient, qui se puisse attendre d’une écriture, pauvreté, de seules pierres éparses, rocailles, c’est bien là le désert, or s’il se pouvait, quelque lointaine qu’elle fût, et contre toute attente, une fécondité du désert, des nappes secrètes qui se puissent puiser, dissémination de puits, il importerait d’abreuver la faune arrivée avec le convoi, 


565. Il y aura bien un entracte, nul ne le précipite accélérant la cadence*, déplacements, gestes, paroles (tels qu’arrêtés dans le livret de manière plus ou moins possible), la scène un instant est vide, et alors, supposée, une attente qu’un entre, cela finit par advenir, présence sur échasses se déplaçant un rien raide, d’une raideur obligée par les deux bâtons, Note : le désert, que déserte à présent même la rocaille, limite outrepassée de la zone aux puits, nul ici ne s’aventure, si un jour le nom d’enfer exista, il se peut que ce fût pour qualifier ce qui se présente ici-même, peut-être seul voile dissimulant en arrière un autre monde, soulèvement du voile, le premier passe, le deuxième jusqu’au quatrième et l’on comprend que c’est la pièce encore se jouant, du soulèvement donc à plus d’une entente, la seconde : contre l’ordre dramaturgique comme ordre, précisément, 


566. Eclate l’une des échasses effondrement d’un corps, était-ce calculé quoi des impondérables ? Ce qu’il se passe : la représentation* n’est pas suspendue, approche d’un premier entracte, un monologue d’ici-là avec presqu’extinction vocale, voix rocailleuse pour le décor tout de rocailles artificielles simulant le désert, la tirade n’est pas rapportée cependant dans Encore ou alors seulement ceci : « Quelqu’un aura pensé le désert, la désertion jusqu’à celle de toute pensée, parler dès lors s’avère difficile, si ce n’est par débris (d’une phrase perdue, Note : Note : Et il y aurait note, toute de tonitruances semblant provenir des coulisses, puis un chant traversant le silence advenu, il sidère — ses profondeurs d’où cela voici l’indétectable, puis une lueur verte (emprunt à la vision d’une table que rappelle sur l’instant la mémoire, lampe d’écrivain cher* tombé aux oubliettes) à gauche sur la scène — allait être dite criarde, mais n’importe d’elle que ce qu’elle éclaire et non ce qui allait se dire d’elle, alors ce qu’elle éclaire : inventer, et ce peut-être tout ce qui se peut à même une scène jusqu’à l’impossible, 


567. Une chaise, pas idée du sens réel (il en serait d’irréels*) de l’avoir introduite sur cette scène si ce n’est qu’il importerait d’y prendre place, l’un des quatre, le troisième s’exécute tournant le regard vers ce vitrage (fenêtre carrée) sur la gauche avec vue sur le lointain, tout un ciel que découpe une ligne de crête et crête rocheuse, rareté de la végétation, arbustes épars et câbles à haute tension, puis un pic rocheux et revient l’espace scénique l’action au bord d’advenir d’une décision dans le texte*, Note de l’océan retrouvé, la pièce ce soir mise de côté, peut-être se poursuit-elle rien qui ne s’en rapporte, un feu d’artifice — il aura semblé qu’une guerre se déclarât — touche à son terme d’une fête d’un je-ne-sais-quoi (et on ne sait qui parle, disant je) foules dans le contrebas se dispersant, mais sonores encore, quelques jours ici avec incidence obligée sur la pièce aux instants d’y revenir, 


568. Scène aux échanges, plus d’un mot afin que circule ce qu’il y aurait lieu d’appeler encore, quitte à forcer le trait, pensées (ce qui traverse l’esprit, produit de l’esprit même, fussent-elles irréfléchies ou restreintes, entrée du troisième, se faisant siège d’un cheval de bois peint* à bascule, avec l’effet qu’il chevaucherait dans le désert, rien ne semble pouvoir l’arrêter, pas même l’extrême chaleur son visage ruisselant et il y a comme furie dans sa chevauchée, que veut-il pour l’énigme du fragment, Note : emporté Brecht dans le sable, Petit organon pour le théâtre, il y aura bien l’heure d’en dire un mot (même tardivement, des effets de la lecture à voir survenir comme obligés), plus d’un, tout un texte s’il y a lieu en marge d’Encore. Ce qui en aura donné l’idée, peut-être la pensée d’une presqu’urgence d’en savoir davantage quant à l’Opéra de quat’ sous, souvenir de la voix de Lotte Lenya, puis (pas superfétatoire) un peu de théorie avec l’Organon, donc — et qui saurait intéresser ce qu’il se passe avec la pièce dans Encore, la pièce restée jusqu’ici sans nom, 22 : 42, Disco beach et ce sont cette nuit les basses et les percussions* qui feront rage jusqu’à minuit (tremblements de tout vitrage), paroles et chants de foules d’ici indistincts, avoir traversé tout à l’heure ces dernières s’étendant jusque dans le sable avant non loin l’océan, la vue d’exception dont il y a souvenir intact, l’air frais brusquement survenu d’automne avant l’heure, 


569. Le cheval de bois harassé (ou si l’on préfère — attaché à plus de vraisemblance, d’un attachement qui inquiète dans Encore — son cavalier seul), première trêve dans la chevauchée à proximité d’un étang d’eau vaseuse, s’il est possible de s’y abreuver allait être la chose à vérifier (un ruisseau tout à l’heure sera aperçu, s’en échappant filtré par des algues et lichens, supposé d’eau claire cette fois, le quatrième boit, se lave, s’approche des bords de la scène afin d’y dire un mot) « Et voici la halte, avoir somnolé un temps infime, des forces se recouvrent déjà,